Nous sommes accueillis à Can Tho sous le déluge, il est à peine 5h du matin et nous décidons d’attendre quelques heures à la gare routière avant de rejoindre notre hôtel. Nous finissons notre nuit sur de très inconfortables sièges en plastique, réveillés toutes les 20 minutes par les employés peu compatissants. On se sent un peu misérables à ce moment là !
Can Tho est situé dans le delta du Mékong et est connu pour sa proximité avec le marché flottant de Cai Rang qui a lieu tous les matins.
Nous avons choisi un hôtel plutôt isolé sur les bords du fleuve afin de profiter du calme et de la vie locale. En arrivant sur place nous sommes enchantés par la vue depuis la terrasse du restaurant. La chambre est très simple et se trouve à l’intérieur d’une sorte de hutte, mais cela nous convient parfaitement.
Balade à vélo
Pendant 2 jours, nous sillonnons les chemins bordant le fleuve et traversons les villages aux alentours à la rencontre des locaux. La vie qui s’est installée ici est impressionnante, les habitants se déplacent à vélo, en scooter ou bien en bateau. On croise des enfants qui rentrent de l’école, des hommes qui réparent leur bateau, des moines, des ados qui se baignent, des grands-mères assises devant le pas de leur porte ou encore des familles en plein karaoké. Les poules et coqs sont présents dans chaque jardin, tout comme les chiens (Fabien s’est d’ailleurs fait courser par l’un d’eux). Tous les habitants sont souriants et nous saluent chaleureusement.
Les maisons sont plutôt modernes et toutes possèdent une maison d’esprits à l’entrée. De nombreux arbres fruitiers apportent ombre et odeurs sucrées : bananiers, manguiers, papayers, jacquiers…
Le paysage est très vert et la lumière magnifique, surtout en fin d’après midi lorsque le ciel se teinte petit à petit de rose.
Nous passons des heures à nous promener, à bifurquer, faire demi-tour et nous perdre littéralement à travers les chemins et les ponts qui structurent les alentours. Tant et si bien qu’un soir nous mettons plus d’une heure à retrouver la direction de l’hôtel… Nous rentrons à vélo à l’aide de nos lampes frontales et ne sommes pas très à l’aise étant donné la faible largeur de certains passages. Personnellement j’ai déjà testé la chute dans les rizières et ça m’a largement suffit !
Excursion au marché flottant
C’est de bon matin que nous partons en barque en direction du marché, il est 5h30 et le jour se lève à peine. En chemin nous croisons de nombreux habitants prenant leur petit déjeuner sur le devant de leur maison, au Vietnam ce n’est pas étonnant de se lever aux aurores… Il y a 2 marées par jour en ce moment et on peut voir les traces laissées par l’eau le long des pilotis.Nous arrivons au marché une demi-heure plus tard, après avoir rejoint le fleuve principal. Ce dernier est très large, contrairement aux affluents et peut accueillir plusieurs dizaines de bateaux à la fois.
Le marché de Cai Rang a lieu tous les jours de l’année, sauf au moment du nouvel an, il commence à 4h du matin (alors qu’il fait encore nuit) et se termine aux alentours de 10h. Malgré notre lever matinal, il est donc déjà tard. Il s’agit d’un marché pour les grossistes, après être venus s’approvisionner ici, la vente se fait sur les marchés terrestres des villages de la région.
Le long de notre promenade, nous remarquons que chacun des bateaux a hissé un stick en bambou sur le pont avec sa marchandise attachée au bout : on distingue des ananas, des noix de coco, des oignons, des courges… Les lettres et chiffres peints sur le bateau indiquent d’où ils viennent, par exemple CT pour Can Tho.Les bateaux les plus gros possèdent des yeux rouges peints sur le devant, les yeux sont là pour effrayer les monstres du lac (avant il y avait beaucoup de crocodiles apparemment) et le rouge c’est parce que cela porte bonheur ici. C’est très beau quand on les voit passer à côté de nous.
Nous croisons aussi de nombreux coffee boats, ce sont des vendeurs ambulants de café, soda et noddle instantanés qui se déplacent au milieu des autres bateaux.
Les vendeurs arrivent parfois de loin et sont ici pour plusieurs jours, pendant cette période ils vivent à bord de leur bateau et font sécher leurs vêtements sur leur pont. Cela donne lieu à un vrai festival de couleurs !Il existe encore quelques marchés comme celui-ci au Vietnam mais ils ont tendance à disparaître du fait des conditions de travail difficiles et du développement des transports routiers. C’est vraiment dommage car c’est assez unique.
Nous terminons la matinée par un tour au marché terrestre et goûtons à toutes sortes de fruits et gâteaux à base de riz gluant.
Rencontre avec les habitants
Le dernier jour, nous partons à la rencontre des habitants avec l’aide d’une guide de notre hôtel. Nous reprenons nos vélos et faisons plusieurs arrêts dans les maisons et ateliers des villages afin d’en apprendre davantage sur le quotidien des gens ici.
Nous visitons une fabrique de poterie, puis une fabrique d’alcool de riz. Ici on l’appelle Happy water, je vous livre l’explication telle quelle car c’est plus marrant : « one people drink -> two people happy -> it is easy to make babies ». Voilà, la vie c’est simple finalement.
On nous explique le principe de fabrication : on met du riz avec de l’eau et de la levure dans une jarre et on attend pendant une semaine. Ensuite on cuit une deuxième fois le riz pour la distillation. Il y a 50% d’alcool à la fin, on a gouté et ça pique…
Au Vietnam toutes les distilleries élèvent en même temps des cochons parce qu’il reste toujours du riz après la fabrication et qu’on peut les nourrir avec. On les appelle les happy pigs, vous suivez ? En réalité ils sont ivres et c’est plutôt triste à voir…
Nous entrons ensuite dans un monastère, il y a seulement 8% de bouddhistes au Vietnam, étant donné que c’est un pays communiste beaucoup des habitants sont athées. Le monastère recueille des orphelins chaque année, on nous raconte que ce sont souvent des étudiantes qui n’ont pas fait attention et sont tombées enceintes avant de se marier. Elles déposent leur enfant au petit matin devant la porte du monastère parce que c’est très mal vu par les familles, et que le poids de la famille ici est très important. Seul un enfant peut être accueilli ici chaque année, les autres sont envoyés à l’orphelinat.
Lorsqu’ils ont l’âge d’aller à l’école, on leur rase la moitié du crâne pour indiquer qu’ils sont à moitié moine et à moitié dans la vie civile. A 18 ans ils choisissent s’ils souhaitent continuer leurs études et rejoindre la vie civile ou rester moine toute leur vie.
Le monastère est assez petit mais il accueille tout de même 6 enfants, entre 5 et 11 ans. Au sol, le carrelage est complément décoordonné, notre guide nous explique que c’est parce que ce sont les restes de carrelage des maisons aux alentours. Une fois leur maison terminée, ils donnent le reste au monastère. Forcément les goûts et les couleurs…A l’entrée, de nombreuses statues sont ornées d’une croix ressemblant étrangement à la croix gammée, mais il n’y a aucun rapport, cette croix représente en fait le cycle de la vie. C’est bien plus beau et positif.Nous partons ensuite visiter une fabrique de riz, l’aliment de base des vietnamiens. Ici on en mange 3 fois par jour, un sac de 25 kg de riz permet de nourrir 6 personnes pendant 1 mois. Chez nous il resterait des années dans la cuisine (enfin à Paris il ne tiendrait même pas dans notre cuisine).
Nous apprenons que le riz gluant et le riz blanc proviennent de 2 plantes différentes, ce n’est donc pas une question de cuisson mais bien de graine. Contrairement à ce qu’y se passe en Europe, le riz brun est peu apprécié ici car il est trop riche en fibre et sert souvent à nourrir les animaux. Il est donc moins cher que le riz blanc… Étrange car chez nous le prix varie du simple au triple.
Dernier stop au cabinet médical du coin. Le médecin qui officie ici a plus de 80 ans (il est au café du village lors de notre visite), et d’ailleurs ses clients aussi. Les plus jeunes vont souvent en ville pour se soigner désormais. Il a beaucoup de diplômes et ne prescrit que des médicaments à base d’herbes. Ces derniers étant gratuits pour les locaux.
Les conditions de vie dans le sud du Vietnam semblent plus faciles que dans le nord : on voit beaucoup plus les habitants se reposer et prendre du bon temps, les cultures poussent bien plus facilement que dans certaines régions inhospitalières et il y a aussi moins de catastrophes naturelles. Enfin les femmes ont l’air d’avoir encore plus de pouvoir qu’ailleurs et ça on aime bien !
Nous avons adoré ces quelques jours passés au bord du Mékong, autant pour les paysages, que pour la quiétude des lieux et la gentillesse des habitants. C’est sur cette belle note que nous quittons le Vietnam pour rejoindre le Cambodge, à quelques heures de bus de là.