Au milieu des vapeurs de souffre à Ijen

Nous arrivons sur l’île de Java en fin de journée et nous installons dans notre auberge à Banyuwangi. C’est un petit oasis en pleine campagne : les bungalows en bois se trouvent au milieu d’un grand jardin et un patio a été aménagé au centre avec des sofas et un espace bibliothèque, créant ainsi un espace propice aux échanges avec les autres voyageurs.

Dans notre bungalow, la salle de bain est à ciel ouvert. On peut observer les nuages et les étoiles en se savonnant le dos, plutôt cool !

Une délicate attention de nos hôtes

Nous faisons rapidement la rencontre de Jean et Graham, un couple d’anglais qui partent en excursion au volcan Ijen cette nuit. Nous avions prévu de le faire le lendemain afin de nous reposer après ces 7h de route, mais nous décidons de sauter sur l’occasion et de partir avec eux afin de partager les frais.

La nuit sera courte, très courte. La première raison c’est que nous avons réglé notre réveil à 1h du matin pour le départ prévu à 1h30, la deuxième c’est que nous sommes en plein ramadan et que la dizaine de mosquées autour de nous rivalisent au niveau des décibels. Les prières sont diffusées par hauts parleurs pendant des heures, plus exactement jusqu’à 23h cette nuit là. Je vous laisse calculer combien d’heures nous avons donc dormi au total.

Nous montons à bord de notre pick up en pleine nuit et roulons pendant une petite heure avant d’arriver sur place. Il est à 3h quand nous entamons la montée accompagné par Mool, notre guide indonésien, un ancien mineur de souffre.

Il fait froid car nous sommes en altitude, mais la pente est raide et on se réchauffe rapidement ! Au-dessus de nous, le ciel est dégagé et nous permet d’admirer les nuées d’étoiles qui se dessinent sur ce tableau noir, c’est très beau.

Au bout d’une heure d’efforts nous arrivons là-haut. Il fait très sombre et on ne voit rien. Au début on ne se rend même pas compte qu’on descend, puis rapidement la pente devient de plus en plus escarpée et l’air difficilement respirable. Nous mettons nos masques à gaz et continuons notre chemin vers le cratère.

Nous sommes nombreux et avançons lentement afin de ne pas tomber dans le ravin qui se trouve à côté de nous. Sur le chemin, nous croisons des dizaines de mineurs qui travaillent ici. Sur le moment je ressens un grand sentiment de culpabilité. Nous sommes là pour nous divertir alors qu’eux risquent leur vie tous les jours pour ramener de quoi payer leur toit et de quoi manger… J’avais beau avoir lu des articles à ce sujet avant de venir ici, on ne se rend vraiment compte de leur calvaire qu’en le voyant de ses propres yeux…Au bout de 20 minutes de descente, nous apercevons des flammes bleues au loin, elles deviennent de plus en plus grandes à mesure que l’on se rapproche. Ce phénomène n’existe que dans deux endroits au monde, c’est donc un spectacle assez unique. Ce phénomène chimique se déclenche au moment de la rencontre du gaz du volcan avec l’oxygène et ne peut s’observer que de nuit, d’où notre lever si matinal (ou nocturne devrais-je dire).Le jour se lève rapidement, révélant la splendeur des lieux. Le paysage qui s’étend devant nous est à la fois grandiose et apocalyptique. Un grand lac bleu turquoise s’est installé au sommet du cratère dont s’échappe une épaisse fumée jaune chargée de souffre. La roche tout autour de nous est blanche, on se croirait sur une autre planète…Nous restons un moment à admirer les changements de couleurs du ciel et les effets de la lumière sur le paysage. Puis tout à coup, nous sommes surpris par une énorme bourrasque de vent qui dirige le nuage de fumée sur nous. À ce moment nous sommes prostrés à terre et attendons que cela passe, nous avons beaucoup de mal à respirer même avec les masques, notre gorge et nos yeux nous brûlent… Nous nous dépêchons de nous éloigner dès que le vent tourne dans l’autre sens. Certains se sont approchés très (beaucoup trop) près de l’endroit d’où sortent les gaz et peinent à rejoindre un endroit sûr. Les guides crient à tout le monde de mettre son masque, nous ne sommes pas du tout rassurés.Le calme revient peu de temps après et le paysage redevient grandiose. C’est fou comme tout peut basculer en quelques secondes…

Nous nous approchons un peu du lac avant de repartir. Il s’agit de l’un des lacs les plus acides au monde, il vaut mieux ne pas tomber dedans pour repartir entier ! Fabien a failli y laisser un pied en essayant d’échapper à une deuxième bourrasque de fumée, on a eu chaud…En bas du cratère, nous observons quelques instants les mineurs travailler, ils extraient de gros blocs jaunes de la roche qu’ils portent ensuite dans des paniers sur leurs épaules jusqu’au sommet du volcan. Leurs conditions de travail sont extrêmement difficiles : le gaz est très toxique et la fumée imprévisible, ils doivent porter des charges bien trop lourdes pour eux sur un chemin très dangereux. En moyenne ce sont 80 kg qu’ils remontent sur leur dos, à hauteur de 2 voyages par jour. Notre guide nous raconte qu’il portait jusqu’à 90 kg certains jours. Ils sont payés 1 000 roupies par kilo, ce qui leur rapporte l’équivalent d’à peine 10€ par jour. Nous nous demandons comment ils font pour survivre ne serait-ce qu’une année à un tel rythme, d’après ce que nous savons ils s’arrêtent au bout de 15 ans. Quelle tristesse…Nous remontons le cratère et faisons quelques arrêts pour regarder le paysage depuis les hauteurs. Les fumées sont de plus en plus épaisses et arrivés là-haut nous ne distinguons même plus le lac, nous sommes contents de ne plus être en bas et pensons aux mineurs qui y sont toujours et pour qui ces conditions pénibles font partie du quotidien.

Un peu plus loin, nous remarquons un panneau sur notre droite interdisant l’entrée des promeneurs au cratère, nous sommes passés devant en pleine nuit et ne l’avions pas vu. Même si tout le monde le fait, il faut rester très prudent et savoir que c’est vraiment dangereux. Nous ne regrettons pas d’y être allés mais sommes aussi conscients que nous avons eu de la chance qu’aucun incident majeur ne se produise. Personne ne peut prévenir ce qui peut se passer dans le cratère d’un volcan toujours actif…Sur le chemin du retour nous faisons un bref arrêt à la Jagir waterfall et rentrons pour profiter d’un petit déjeuner bien mérité. Il est 10h du matin et nous sommes déjà debout depuis 9h, tout va bien. Nous restons émerveillés pendant des heures après le spectacle auquel nous venons d’assister.

Petit dej fruité
Une poule s’est invitée dans la cuisine

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