Mer agitée à Tangalle

Depuis Galle, nous prenons le bus en direction de Tangalle, à seulement 70 kilomètres de là. Nous montons dans un bus tuning avec musique à fond… Nous sommes les seuls touristes mais personne ne semble trop s’étonner de notre présence. Au fil des arrêts, on voit les marchants ambulants défiler mais aussi les mendiants… Les Sri Lankais croient beaucoup au karma et ils donnent souvent quelque chose. Les passagers descendent sans attendre l’arrêt complet du bus, de toutes façons le chauffeur ne passe pas plus d’une demi seconde à attendre avant de redémarrer. Time is Money.

Au bout de deux heures, nous arrivons dans une première gare pour faire un changement et nous installons pour déjeuner dans un restaurant un peu miteux. On nous donne une cuillère à soupe, comme les enfants, mais ici tout le monde mange avec les doigts. On doit paraître un peu snobes ! Le second trajet est interminable, notre chauffeur se fait arrêter par la police car il n’a pas le permis (ça on aurait pu le deviner sans lui demander ses papiers) et c’est un de ses copains qui reprend le volant avant de s’arrêter 500 mètres plus loin et de lui redonner. Normal.

Nous arrivons enfin à Tangalle au bout de 4h. Notre guest house se situe un peu en retrait de la ville, sur la plage de Unakaruwa. Nous profitons d’une promenade sur la plage et d’un bain rapide avant que la nuit tombe. On galère un peu à trouver un restaurant ouvert le soir, c’est la basse saison et tout est fermé ! Finalement on trouve juste à côté de l’hôtel, le chef accepte de nous préparer un repas avec ce qu’il a sous la main et on se régale.

Depuis notre chambre on entend les vagues et on s’endort en écoutant les bruits de la mer.

Nous passons notre première matinée à profiter de la plage presque privée qui se trouve devant notre chambre. Équipés de nos masques, nous partons à la recherche de tortues (les surfeurs qui tiennent l’hôtel nous en ont parlé). On finit par tomber sur l’une d’elles au moment où elle resort sa petite tête de l’eau pour respirer ! Ce sont d’ailleurs les seuls moments où l’on pourra l’observer car la mer est trop agitée et l’eau est trouble. 

Notre plage privée

L’après-midi, direction la grande plage de Tangalle. On déjeune dans un restaurant pour touristes hors de prix et pas très bon (c’est le seul ouvert) avant de se promener sur la plage. Les vagues sont vraiment très fortes donc on ne se baigne pas, en revanche on profite du paysage. Des cocotiers bordent toute la plage, c’est magnifique. On rencontre à peine 5 personnes en 2 heures mais beaucoup de petits chiens nous suivent (ça c’est Fabien, il les attire tous comme des mouches). En fin de journée on se dirige vers le port de pêcheurs pour voir de plus près les jolis bateaux colorés. On traverse un pont, on croise des varants et de beaux papillons. C’est à ce moment que nous faisons la rencontre de Tony. Il veut absolument nous faire visiter le port et il a beaucoup de choses à nous raconter, notamment son histoire que nous écoutons avec attention.Tony est pêcheur depuis ses 22 ans, c’est son père qui lui a appris ce métier pendant 2 ans lorsqu’il était jeune. Ce soir, il s’apprête à partir en mer, ils y vont la nuit avec ses collègues car il y a plus de poisson que le jour. Parfois la mer est déchaînée et c’est dangereux, car la nuit on ne peut pas retrouver ceux qui passent par dessus bord… C’est une réalité à laquelle on ne pense pas souvent dans nos pays. Il nous parle en mâchant du bétel pour rester éveillé, ses dents en ont d’ailleurs pris un sacré coup !

Lui et les autres du coin pêchent avec des filets traditionnels et des hameçons auxquels ils accrochent des calamars vivants. Chaque bateau a sa propre zone pour pêcher, afin de ne pas marcher sur les plates bandes des autres. Ils capturent principalement des espadons, des thons et des calamars, mais aussi parfois des requins. Les locaux mangent la chair et ils font ensuite sécher les ailerons pendant 2 jours au soleil avant de les envoyer en Chine, selon lui cela rapporte beaucoup d’argent. Ça me rend triste d’entendre ça car je sais que de nombreux requins sont charcutés vivants pour leurs ailerons. Il nous raconte que le matin en rentrant de la pêche, il voit des baleines et des dauphins qui nagent à côté du bateau. Eux, il ne les pêche pas car ce sont ses compagnons de route.

Parfois les pêcheurs embarquent à bord de plus gros bateaux et partent pendant 4 semaines en mer. Ils sont souvent 6 à bord et ont de gros congélateurs pour conserver le poisson. Pendant ces longs voyages, ils vont jusqu’au large de la Malaisie et de la Birmanie. En rentrant, ils ont droit à 3 semaines de repos avant de repartir. Et sinon les soirs de pleine lune c’est jour de repos aussi, personne ne pêche car tout le monde se rend au temple (environ 78% de la population est bouddhiste au Sri Lanka).

Tony n’a pas eu une vie facile et garde de profondes blessures du passage du tsunami en 2004. La ville de Tangalle a été complètement ravagée par la vague et tous les habitants ont été touchés de plein fouet.

Il nous raconte qu’il a perdu sa maison et ses deux enfants de 8 et 11 ans dans le tsunami… Lui réparait son filet sur la plage quand c’est arrivé, il a été trainé par la vague sur 1,5 km et a eu une jambe et un bras cassé. Il a été soigné par un médecin allemand et est resté près de 3 mois à l’hôpital pour soigner ses blessures, il nous montre la grosse cicatrice qu’il a sur le bras. Cela nous attriste beaucoup. Dire que la mer a tout pris à cet homme et qu’il continue à voguer sur ses eaux chaque jour… C’est injuste.

Les bateaux de pêche qui se trouvent dans le port aujourd’hui ont quasiment tous été financés par la communauté internationale après la catastrophe : les japonais, les allemands et les français ont paraît-il joué un rôle important.

Visite du bateau de pêche avec Tony

Nous passons plus d’une heure à discuter, il nous parle aussi de politique. Il n’aime pas le gouvernement actuel car il y a beaucoup de corruption, apparemment certains moines font partie du parlement et portent des montres en or, ce n’est pas normal. On est bien d’accord avec lui ! On parle aussi de la situation en France car il s’y connaît un peu. Malgré les apparences, il parle très bien anglais et est super cultivé. Il me dit qu’Alice est un prénom de vielle femme au Sri Lanka, genre dans les 90 ans. Quelle délicatesse 😉 Nous quittons Tony en lui offrant un paquet de cigarettes, on aurait préféré lui acheter autre chose mais comme ça il pourra les partager avec ses collègues sur le bateau ce soir.

La nuit on entend à nouveau les vagues mais cette fois elles ont une autre connotation à nos yeux.

Le lendemain nous quittons les plages de Tangalle pour le lac de Tissa situé à l’intérieur des terres.

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